Les enjeux du guarana

Les enjeux du guaranà

 

un projet de commerce équitable en Amazonie Brésilienne

 

Quelques informations préalables

L' Amazonie, poumon de la planète est à la fois la plus grande des forêts tropicales et une terre objet de toutes les convoitises de par ses immenses richesses. Les grandes firmes multinationales s'y sont donné rendez-vous pour l'exploiter. Pour faciliter cette exploitation, en 1967 l'état brésilien a déclaré zone franche Manaus, capitale fédérale de l'état Amazonas. L'avantage immédiat de la zone franche est l'exemption d'impôts et de charges fiscales, les avantages dérivés sont d'échapper aux lois en matière de droits du travail, de protection de l'environnement.

La conséquence directe la plus visible a été la disparition d'un cinquième de la forêt amazonienne, qui abrite 70% des espèces végétales tropicales et représente un tiers des forêts tropicales du globe. L'Amazonie est riche de plus de 30.000 espèces végétales, de 1000 espèces d'oiseaux, de 3000 espèces de poissons.

La disparition de la forêt entraine aussi la disparition des indiens qui ne sont plus que 300.000, alors qu'ils étaient 5 à 6 millions au XVI siècle, au moment de l'arrivée des Portugais. Seulement dans les dix dernières années, c'est l'équivalent d'une superficie supérieure à celle du territoire français qui a été déboisée. 75 millions de m³ de bois sont coupés chaque année, alors que le gouvernement ne délivre licence que pour 25 millions de m³. Huit entreprises se partagent 23 000 km ² de concessions dans la forêt amazonienne brésilienne. 49% des terres sont détenues par 1% des fazendeiros.

 

 

L'intérêt des multinationales pour le guaranà

Nous nous contenterons d'illustrer cette exploitation de la forêt par l'exemple du guaranà. Parmi les grands industriels de la boisson, Coca Cola et AmBev (associée à Pepsi Cola), sont solidement implantées au Brésil et se partagent un monopole tant au Brésil que dans le monde.

Le guaranà est considéré comme une matière première présentant un taux fort de guaranine, aux vertus similaires à la caféine, ingrédient de base des sodas et des boissons énergisantes. A Mauès, lieu où opère Ambev, c'est la marque Antartica qui est omniprésente avec 80% du marché brésilien.

Le guaranà transformé par la Coca Cola est vendu sous le nom de Guaranà Kuat. Après les boissons gazeuses, les américains ont développé des produits dopants à base de guaranà: les fameux «energy drinks» qui ont fait au cours des dernières années une entrée en force sur les marchés européens.

En Europe ce sont les multinationales Karlsbrau, Coca cola, Danone et Pepsi cola qui ont lancé des boissons à base de guaranà. Les messages publicitaires associés à ces boissons véhiculent l'image du dépassement de soi, de l'exploit et de la virilité dans des sociétés qui valorisent à outrance le culte de la performance. Ces boissons sont souvent mélangées à de l'alcool pour faire des «soft drinks», ceux-là même qui sont proposés aux adolescents et aux femmes car leur goût masque celui de l'alcool. Et c'est justement ce goût 'soft' qui masque la présence d'alcool qui peut en faire un danger pour la santé parce qu'entrainant facilement une consommation excessive.

 

De l'utilisation de la recherche publique par le secteur privé.

Afin d'augmenter la production au Brésil et répondre à cette demande croissante de guaranà dans le monde, les grand industriels se sont alliés aux instituts de recherche publique pour créer des versions plus productives de cette plante sauvage. Firmino Filho, ingénieur de l'Embrapa (Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuaria), agence étatique de recherche et de développement agronomique et agroindustriel, déclare au cours d'une interview: «Notre travail sur le guaranà a été concentré sur deux points fondamentaux: tout d'abord rechercher des plants avec une grande productivité, et un génome avec une grande résistance à la principale maladie du guaranà qui est l'anthracnose. Qu'est-ce que nous faisons? Nous fixons intégralement ce génome et c'est à partir de là que nous obtenons résistance et productivité.» Cultivés sous serre, ces croisements atteignent des niveaux de productivité beaucoup plus rapides, souvent à l'aide d'engrais chimiques, et donnent des fruits dès la deuxième année au lieu de la quatrième pour les plantes sauvages.

Cependant, comme c'est le cas de toutes les plantes sélectionnées, quelles soient hybrides ou OGM, on assiste à un appauvrissement génétique des variétés de guaranà cultivé.

Pour développer et étendre l'utilisation de ces nouveaux plans, l'Embrapa travaille en collaboration avec l'IDAM (Institut de Développement Agricole d'Amazonas) et le service d'expansion agricole de la municipalité qui vont développer les plans en pépinières pour les vendre aux producteurs de la région. Il existe aussi des partenariats avec des entreprises de sodas.

 

Au début des années 70 Ambev a créé une plantation de 1070 hectares auxquels s'ajoutent 550 ha de réserve forestière et 61ha pour bâtiments, entrepôts et logements. Actuellement la production de la plantation représente 30% des besoins de la multinationale. Pour les 70% restant ils (qui ?) font des contrats d'intégration soutenus par un programme de leur cru (PEGA), en collaboration avec l'IDAM. Avec PEGA ils (qui ?) proposent les plans sélectionnés, l'accompagnement technique et chimique en échange de la totalité de la production.

Loin de protéger la biodiversité, les laboratoires publics brésiliens jouent donc le jeu des multinationales et mettent leurs compétences au service de l'agriculture industrielle.

 

 

La stratégie de la multinationale Ambev

 

Le marché du guaranà a subi d'importantes évolutions ces dernières années: le prix moyen, extrêmement faible, tend à augmenter sous la pression de la demande. C'est pour cela qu'ont été créées de nouvelles zones de production, autour de Manaus et également de Bahia. Naturellement ce guaranà acclimaté hors de son lieu d'origine n'a pas la même qualité, en particulier sa teneur en guaranine est bien plus faible. Sur les 750 tonnes de guaranà torréfié par AmBev, 250 tonnes proviennent de sa plantation, 300 tonnes des contrats d'intégration et 200 tonnes des filières de Bahia. Coca cola torréfie environ 100 tonnes en Amazonie et Magistral 15 tonnes.

Ces logiques de profit et de productivité n'ont d'autre but que d'augmenter la quantité de guaranà disponible. Et comme le prix se définit par l'offre et la demande: plus l'offre est importante, plus les prix baissent pour les producteurs. Cette pression pour baisser les prix n'est pas nouvelle et les indiens Satéré Mawé en ont été les premières victimes.

 

La concurrence augmente à Mauès car le monde entier consomme désormais du guaranà. Ainsi AmBev s'approvisionne de plus en plus en dehors de l'Amazonie, comme à Bahia où le prix du guaranà est nettement inférieur. Pourtant la multinationale se garde bien de dévoiler qui sont ses fournisseurs et n'hésite pas à déclarer que tout son guaranà provient de Mauès en Amazonie. Cette année, AmBev a acheté plus de 100 tonnes de guaranà à Bahia. Pour renforcer sa stratégie de communication, la multinationale AmBev organise chaque année a Mauès une fête de la récolte du guaranà, soigneusement orchestrée, où elle invite à ses frais sur son yatch une quinzaine de journalistes pour assurer la promotion de ses produits.

Environ 10% du guaranà produit est exporté à l'étranger, vers le reste de l'Amérique Latine, Mais également vers les USA, le Japon et l'Europe. Bien qu'il soit difficile de l'estimer précisément, la demande est nettement plus importante que l'offre. C'est pourquoi la production est passé de 200 tonnes en 1960 à 4.100 en 1998, à 5000 tonnes en 2007. L'état de Bahia s'est lancé dans la production industrielle. Avec l'utilisation d'engrais chimiques, la région de Bahia arrive à une productivité de 300 à 1000kg/ha de guaranà, et dépasse largement la production traditionnelle de l'état d'Amazonas (productivité entre 30 et 110kg/ha).

 

Coûts de production du guaranà de plantation et tactiques conséquentes

La productivité d'une plante de guaranà est extrêmement variable selon le mode de production (semis ou bouture), selon les conditions agro-écologiques et l'âge des pieds. Ainsi la productivité en kilogrammes de graines torréfiées peut varier de 40kg/ha à 600kg/ha. La floraison du guaranà a lieu au cours des mois les plus secs de l'année: de juillet à septembre; les fruits mûrissent deux à trois mois plus tard et la récolte se fait entre les mois de novembre et février. En règle générale la plante commence à produire dès la troisième ou la quatrième année dans le cas d'un semis; dès la deuxième année s'il s'agit d'une bouture.

Le pied de guaranà coûte 60 centimes d'euro et les semences de 4 à 5 le kg pour les graines non sélectionnées et de 8 à 12 €/kg pour les graines sélectionnées. Le sac d'engrais coûte 30 €. Si le producteur utilise 6 (+2) sacs par hectare cela fait 125 €/ha; le coût final des intrants (je ne connais pas ce mot) sera donc de 250 /ha. Les investissements pour la première transformation sont: la décortiqueuse 1650 €, le ventilateur 420 , le four entier 2500 , le moteur pour la décortiqueuse 1500 . Cela représente donc investissement de 386 par an.

En 2007, le prix au producteur oscillait entre 2,4 et 3,4 /kg atteignant même les 7 en fin de récolte. En 2008 le prix a été de 5 /kg.

Le kilogramme de poudre destiné au marché phytopharmaceutique est vendu deux fois le prix du kilogramme de grain acheté.

Au sein de la filière conventionnelle d'exportation de Bahia, les salaires des ouvriers agricoles représentent 12% du prix FOB du produit; le poids total des salaires étant de 18% du prix FOB, l'excédent net d'exploitation producteur (ENE) est de 35% et correspond à la rémunération nette des acteurs. (source: FADM mars 2008). Du moment que les excédents nets d'exploitation représentent 35%, on peut considérer qu'il s'agit d'une filière où les acteurs capitalisent beaucoup. Cependant l'extrême variabilité des prix soumis à la simple loi de l'offre et de la demande induit des comportements opportunistes et une instabilité des relations entre les producteurs et les entreprises. Cette instabilité se retrouve aussi au niveau des cultures. La montée de la demande a paradoxalement porté à une baisse de la production amazonienne car les producteurs n'ont pas assez rapidement renouvelé les plantes de guaranà.

 

La filière équitable des fils du guaranà: les indiens Satéré Mawé

En 1978, quand le processus de la démarcation du territoire a commencé, les villages, parcelles, cimetières et territoires utilisés pour la chasse, la pêche et l'élevage ont été référencés dans leur localisation actuelle, entre les fleuves de Marau, Miriti, Urupadi, Manjuru, et Andira. Les Satéré Mawé considèrent ce territoire comme le leur, même s'ils sont conscients du fait qu'il ne s'agit que d'une petite portion de leur territoire d'origine. Pour eux, ce qui a été préservé est très précieux. Traditionnellement les Satéré Mawé implantaient leurs village au milieu de la forêt, près d'une source d'eau, de l'un des trois fleuves Marau, Andira et Uaicurapa.

 

Mais en 1981, Elf Aquitaine et son homologue brésilien Petrobras entreprirent la recherche de pétrole sur les terres des Satéré Mawé. Outrepassant les lois brésiliennes et ignorant les Indiens, Elf Aquitaine détruisit une partie de la forêt, faisant fuir les animaux et les hommes. Le premier pas de cette destruction est la construction de la route, infrastructure primordiale prévue sur une longueur de 300 km et qui aurait comporté la destruction de 11 villages. Pour mieux réaliser ses projets, la compagnie entreprit de corrompre les dirigeants de la FUNAI (Fondation nationale de l'indigène). Les indiens s'appuyèrent alors sur la société civile et les médias pour obtenir gain de cause.

 

Après deux ans de lutte, la compagnie pétrolière quitta finalement leurs terres en y laissant des tonnes de déchets et une indemnisation symbolique. Cette victoire est fort importante si l'on garde à l'esprit que 80% des violations des droits de l'homme et de la violation des terres tribales dans le monde sont à charge des multinationales des hydrocarbures. Pour les Satéré Mawé la victoire plus importante a été la reconnaissance de la démarcation de leurs terres et pour éviter de se retrouver en position de faiblesse, il créèrent le Conseil Général de la Tribu Satéré Mawé: le CGTSM dont le but était de fonder l'autonomie politique des Indiens sur des bases concrètes d'autonomie économique. 1 Ainsi le CGTSM se démarqua des mouvements indiens traditionnels en se positionnant non pas comme une simple instance de défense des droits territoriaux culturels et sociaux des indiens, mais comme l'outil de sauvegarde d'un des patrimoines spirituels et écologiques de l'humanité.

Obadias Batista Garcia, Indien au fort charisme, est à l'origine du projet guaranà: «Nous avons besoin d'occuper la terre et de faire quelque chose avec le territoire reconquis. Parce que la démarcation ne garantit pas l'accès à la terre. Ce qui compte c'est de la travailler, de produire, pour montrer à la société blanche ou autre, que nous revendiquons pour une question de droits et de survie ». Les Satéré Mawé ont maintenu des techniques de domestication du guaranà. Selon eux, le guaranà, wara, signifie le début de toute connaissance.

En 2000, le projet guaranà est choisi parmi les 146 projets les plus exemplaires présentés à l'exposition universelle de Hanovre. Depuis 2002, le guaranà des Satéré Mawe est considéré par Slow Food comme un produit sentinelle.

 

Le Conseil Général de la Tribu des Satéré Mawé est une ONG technique de revendication et de mise en pratique des droits des populations indiennes. Sa direction exécutive est composée de 14 membres, élus tous les quatre ans. Le fait d'avoir fondé leur action sur la construction d'une capacité propre d'autogestion du territoire à travers notamment un projet économique de commercialisation du guaranà a donné un rôle tout à fait particulier aux producteurs (500 familles de producteurs sur 2000 familles = 10 000ha). C'est pourquoi a été crée en 2008 un consortium des producteurs: SAPOPEMA (Société des peuples pour l'éco-développement), qui regroupe les représentants des 80 communautés des fleuves Marau, Andira et Uaicurapa. La Sapopema s'est alliée avec la coopérative amazonienne Agrofrut, composée de producteurs métis, les 'caboclos', et avec l'entreprise Agrorisa qui transforme le guaranà selon les critères biologiques. Le CGTSM des Satéré Mawe détient 34% du capital de SAPOPEMA, la coopérative Agrofrut 34% et Agrorisa 32%.

Les produits transformés à partir du guaranà sont: la poudre (phytopharmacie), les gélules, les bonbons, le sirop et le soda 'guaranito'. La production du guaranito utilise environ 2,2 tonnes d'extrait par an. Cette production est réalisée à partir du guaranà produit aux deux tiers par les Satéré Mawé et au tiers par les métis de la communauté 'barrière de l'Andira', partenaires du CGTSM. Outre les 2,2 tonnes d'extrait la centrale de commerce équitable italienne CTM achète 1,4 tonne de poudre stable par an aux Indiens Satéré Mawé et la centrale française Guayapi Tropical achète la production des métis. Guayapi Tropical a financé les certifications FGP (Forest Garden Product) et biologiques Ecocert Brésil, que les Satéré Mawé ont obtenues en novembre 2007. 2

Sur le prix FOB moyen du kilogramme de poudre de guaranà payé par le commerce équitable, soit 35 euros le kg, 26% revient aux producteurs Satéré Mawé (9,1e.) Je ne comprends pas cette parenthèse, 23% revient au CGTSM (projets pour la communauté), 8% à l'ACOPIAMA (appui aux projets techniques), 15% à AGRORISA (pour la transformation et le transport), 29% pour les taxes, la douane, l'export et le fond de roulement.

 

Les revenus du guaranà ont servi à financer divers projets du CGTSM.

  1. Obtention des droits constitutionnels s'appuyant sur les chapitres 231-232 de la constitution brésilienne pour obtenir le droit à une éducation différenciée, un système de santé différencié, la reconnaissance de la culture, des croyances religieuses et de l'organisation sociale, ainsi que la jouissance exclusive du sol, de la flore et de la faune des terres qui aboutit à la proclamation de la terre indigène Andira-Marau «sanctuaire culturel et écologique du guaranà des Satéré Mawé.»

  2. C'est le CGTSM qui négocie le prix du guaranà et des différentes plantes avec le Consortium des producteurs.

  3. Un projet de protection de l'écosystème qui abrite la banque génétique du guaranà dans le monde en favorisant la culture des souches sauvages, et grâce à la promotion de méthodes de production respectueuses de l'environnement.

  4. Des bourse d'études supérieures pour quelques étudiants.

  5. Un projet de collecte et de recyclage des déchets géré par l'association des femmes indigènes Satéré Mawé de Manaus (AMISM)

  6. Un projet de fabrication de bijoux à partir de graines de la forêt amazonienne géré par l'AMISM

  7. Un projet de développement de la mélipoliniculture. L'apiculture des abeilles natives sans dard a un effet très positif sur la polinisation du guaranà.

  8. Replantation du bois de rose. L'aniba rosaeodora, de la famille des lauracées, est un arbre endémique de l'Amazonie brésilienne et guyanienne. Il s'agit d'une espèce protégée par l'Union Mondiale pour la Nature (UICN). Seules les branches et les feuilles sont exploitées pour en extraire l'huile de rose utilisée par l'aromathérapie et en parfumerie (Chanel n°5). D'autres bois rares font également partie de ce projet.

  9. Projets d'éducation: enseignement et production de livres en langue Satéré Mawé, enseignement de la culture traditionnelle (histoire, contes, artisanat, chasse, phytothérapie traditionnelle)

  10. Construction d'un site d'écotourisme en Amazonie, construit en 2007 en collaboration avec l'ICEI (Istituto di Cooperazione Economica Internazionale) avec l'appui financier de l'Union Européenne.

 

 

Les filières écologiques d'Amazonie:

contexte et méthodes de production traditionnelles

Les Satéré Mawé se considèrent les fils du guaranà dont ils consomment le fruit pilé et découpé en forme de bâtons mis à sécher et fumer au dessus d'un feu de bois pendant plusieurs mois. Au cours de la cérémonie du çapo, les Satéré Mawé se réunissent et une calebasse qui contient de la poudre de guaranà mélangée à de l'eau passe de convives en convives agissant comme ciment de l'assemblée. Voici donc le mythe, tel qu'il est toujours raconté:

 

La première femme Unha Sabé, possédait le savoir de la nature. Elle représente la légende authentique. Elle était convoitée par le serpent. Elle eut un enfant, et ses frères, les oncles maternels, ne voulaient pas que cet enfant naisse.

En dépit de la rage des frères, était né un enfant beau et fort, qui aussitôt après avoir appris à parler, manifesta le désir de manger le même fruit que ses oncles: celui de l'arbre enchanté, planté par sa mère.

Malheureusement, les frères avaient pris possession du jardin en y mettant des animaux de garde. Tout en le sachant, la mère céda aux caprices de l'enfant et l'y mena en cachette. Ainsi, le petit apprit le chemin du jardin et y retourna tout seul.

Avertis par les gardes, les oncles lui tendirent un piège et le tuèrent. Lorsque la mère le trouva, elle s'exclama en pleurant: tes oncles t'ont tué en pensant que tu serais resté un pauvre bougre, mais il n'en sera pas ainsi.

Toi mon fils, tu seras la plus grande force de la nature! Tu feras le bien de tous les hommes! tu seras grand! tu libèreras les hommes de certains maux et les soigneras d'autres!

Elle planta l'œil gauche de l'enfant, et de son œil naquit la plante du guaranà authentique. De cet œil naquit la plante qui est le salut de la communauté. Jour après jour, du reste de son corps sortit le petit Curumi, la souche du guaranà des Satéré Mawé.

 

Il existe quatre zones de production conventionnelle principales en Amazonie: la zone de Mauès (près de la réserve indienne des Satéré Mawé), Uucarà, Iranduba, et Presidente Figueirero (au nord de Manaus). Une plante de guaranà vit en moyenne trente ans. Les plantes sauvages des Satéré Mawé sont reproduites par semis et demandent environ quatre ans avant de produire des fruits.

Les graines sont assez riches en fibres et leur principale caractéristique est de contenir une grande quantité de méthylxanthine, plus communément appelée guaranine. La teneur moyenne en guaranine d'une graine avoisine 4g/100g. Souvent assimilée à la caféine, la guaranine a une structure moléculaire légèrement différente. Elle met 6 heures à être absorbée par l'organisme et la présence de saponines semble en ralentir les effets stimulants.

Le guaranà est un élément fondamental de la médecine traditionnelle des Satéré Mawé, qui l'utilisent pour ses vertus défatiguantes, stimulantes de l'action cérébrale et d'aide à la concentration. La guaranine agit comme un stimulant cérébral, cardio-vasculaire et musculaire. En Europe le guaranà est souvent utilisé comme complément des régimes amaigrissants et coupe faim naturel: les propriétés diurétiques et lipolytiques de la guaranine sont alors mises en avant.

 

Un itinéraire technique de production simple:

Chaque famille de producteurs a environ 10 hectares de terrain. Les producteurs de guaranà consacrent 2 ou 3 hectares au guaranà et plantent 100 à 400 plantes par hectares suivant le degré d'association.

La récolte est manuelle et seuls les fruits mûrs sont choisis. La récolte dure 1,5 mois d'octobre à janvier et tous les membres de la famille y participent. Après la récolte il faut tailler les arbres et désherber les champs. Un champ (guaranazal) de guaranà d'un hectare demande 46 jours de travail pour obtenir une production de 40 kg: 2 semaines pour le désherbage, et un mois et demi pour la récolte.

La lutte contre l'anthracnose 'lacerdinha' produite par le champignon colletotrichum guaranicola est effectuée de manière biologique à partir d'une fumigation à base de carapace de tortue de terre, de piment et de poil ou plumes d'animaux.

 

Préparation des fruits, cuisson et fumigation

Les fruits sont transformés très rapidement après la récolte pour éviter toute fermentation. La capsule rouge des fruits est éliminée manuellement; cette opération occupe la famille 1 ou 2 jours. Le reste du fruit est laissé à tremper dans une bassine en bois pendant une nuit pour le laver avant la torréfaction.

L'Indienne Dona Iraçi a retrouvé la méthode pour fabriquer les fours traditionnels en argile mêlée à des fibres de bois de caraipe. La cuisson lente des grains dans les fours en argile évite l'altération des tanins qui sont le facteur d'assimilation retardée de la guaranine. Trop chaude, la cuisson les brulerait et détériorerait les éléments les plus intéressants du guaranà: les tanins et les saponines. Trop froide, elle ne les sècherait pas assez et pourrait entrainer des moisissures. Après 3 ou 4 heures , lorsque les grains sont suffisamment cuits et la texture croquante, les grains refroidissent pendant 24 heures. Si les grains apparaissent insuffisamment torréfiés, on répète la cuisson le lendemain.

Les grains sont ensuite mis dans des sacs en toile de jute et accrochés au dessus de fours allumés en permanence et acquièrent pour cela la saveur fumée si spécifique et appréciée par les consommateurs. La fumigation dure 2 à 4 mois. Tous les dix ans il faut remplacer la structure en bois du fumoir.

La production des Satéré Mawé est collectée en bateau dans chaque communauté. Le nom et les détails de la production de chaque producteur sont notés sur le sac et permettent de garder la traçabilité jusqu'à Agrorisa..

Au cours du processus de transformation, la graine est séparée de sa coquille dans une machine à moteur. La graine servira à la fabrication de la poudre, tandis que la coquille servira pour l'extrait.,

Le soda 'guaranito' est produit à base d'extrait: ce qui représente 30% de la valeur ajoutée pour les Satéré Mawé. La transformation en soda advient en Europe. Il est cependant un produit important en termes politiques car il est, de par son attractivité, un vecteur d'information et de sensibilisation sur le peuple Satéré Mawé et le devenir de la forêt amazonienne.

 

1Satéré signifie: lézard de feu. C'est le nom du clan le plus important du peuple Mawé, car c'est celui qui a fédéré les différents clans à l'époque des conflits; c'est pourquoi les Indiens Mawé se nomment aujourd'hui Satéré Mawé.

2Forets Garden Product a pour objectif: Promouvoir le renouvellement de la végétation des terres déboisées ou dégradées; augmenter la richesse de la biodiversité locale; améliorer l'équilibre des sols et réduire l'érosion; stabiliser ou inverser le courant de déforestation; respecter les populations locales dans leur habitat d'origine et maintenir la faune d'origine; transformer les productions intensives avec intrants chimiques des exploitations agricoles en productions naturelles et biologiques; développer les produits «Forest Garden», un marché à forte valeur qualitative ajoutée.

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